J’étais l’invité du Forum International de Tiznit les 22 et 23 octobre dernier dont le thème était le rôle du tourisme dans le développement durable des territoires sensibles des pays de la Méditerranée.
Voici l’interview que j’ai donné à la Lettre des coopérations au Maroc, TAÂOUN et qui fait la synthèse de mon intervention là bas:
Taâoun accueille Patrick ALLEMAND, 1er Vice Président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, chargé des Relations internationales, de l’Europe et de l’Eurorégion.
TAÂOUN : Votre présence au 4ème Forum International du Tourisme Solidaire à Tiznit montre encore une fois que la Région PACA est très active au Maroc en matière d’Economie Sociale et Solidaire et notamment en matière de tourisme durable. Pourquoi ce choix ?
P. ALLEMAND : La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a accueilli et co-organisé le premier forum international du tourisme solidaire en 2003. Cette initiative avait été lancée l’année précédente au Sommet de la Terre de Johannesburg sur le développement durable, auquel participaient des représentants de notre région impliqués dans la promotion d’un tourisme durable. Des délégations de 74 pays ont participé au premier FITS et ont échangé sur ce que pouvait être un « autre tourisme » plus éthique, plus durable et plus solidaire.
Nous avons lancé ensuite un FITS Méditerranée qui s’est tenu à l’Hôtel de Région à Marseille en janvier 2008, parce que le tourisme méditerranéen présente un certain nombre de spécificités et doit être abordé dans le cadre d’une stratégie méditerranéenne à laquelle, comme vous le savez, notre région, avec son Président Michel Vauzelle, est très attachée en vue de construire en Méditerranée un espace de solidarité, de coopération, de développement et de paix.
La Méditerranée recevait 58 millions de touristes en 1970 et 228 millions en 2002. Elle devrait en accueillir près de 400 millions en 2025 dont près de 80 % seront concentrés sur le littoral. L’espace méditerranéen subit de plein fouet les conséquences positives et négatives de la croissance du tourisme mondial qui constitue l’un des secteurs économiques les plus dynamiques du monde. La croissance du tourisme, si elle peut être source de revenus, peut être dévastatrice en termes d’environnement. Source d’emplois, le tourisme est loin d’être une activité sans conséquences pour nos territoires. Son développement en Méditerranée a des effets induits considérables : concurrence pour le sol et pour l’eau, augmentation des coûts pour les populations, développement des inégalités sociales, accroissement de la pollution maritime, dégradation d’environnements fragiles… Les risques de déséquilibres liés au tourisme sont malheureusement nombreux et il nous semble alors d’autant plus important de se concerter et de partager nos bonnes pratiques.
Aussi était-il nécessaire de réunir l’ensemble des acteurs (collectivités territoriales, associations, parcs naturels, organisations professionnelles, organisations internationales) pour un autre développement touristique.
Notre région est très sensible à ces questions. Seconde région la plus visitée de France, son secteur touristique représente près de 12 % du PIB. Il est donc d’une importance capitale pour la cohésion du territoire. Et nous avons cherché à développer, notamment dans l’arrière-pays, dans un souci d’aménagement harmonieux du territoire, des formes de tourisme plus douces, adaptées à un environnement fragile.
Le Maroc est devenu lui aussi une destination touristique de premier ordre. Nous avons donc d’excellentes raisons de coopérer et d’échanger nos expériences en la matière. Avec la Région de Tanger Tétouan nous avons développé, depuis des années, une coopération exemplaire, qui a porté notamment sur la création d’un Parc naturel à Bouhachem et nous nous réjouissons tout particulièrement de la création officielle du groupement de collectivités de Bouhachem qui vient d’intervenir.
Pour toutes ces raisons nous sommes heureux que le Maroc ait accueilli le 2e Forum International du Tourisme Solidaire Méditerranée. J’en félicite les organisateurs et notamment le directeur du FITS, M. Jean Marie Collombon, et je remercie le ministère marocain du Tourisme et le Réseau Marocain de l’Economie Sociale et Solidaire, d’avoir fait de cette édition du FITS une très belle réussite.
T : J’ai également entendu parler de la création prochaine d’une maison régionale de l’Economie Sociale et Solidaire à Tanger ?
PA : Nous avons en effet entrepris d’appuyer la région Tanger Tétouan afin qu’elle puisse se doter d’un observatoire de l’Economie Sociale et Solidaire. Il s’agira d’une grande première au Maroc. Le projet d’appui à une Politique Régionale d’Economie Sociale et Solidaire (PRESS), qui vient de commencer, en est la suite logique. Il s’agira là de renforcer l’observatoire, d’animer une plateforme régionale des acteurs de l’ESS et de développer une expérience innovante d’appui à la création de micro entreprises par le biais d’une entreprise collective partagée, le tout donc au sein de la première Maison Régionale de l’ESS.
Là encore, la région Provence Alpes Côtes d’Azur peut partager une expertise approfondie, puisque 10 % du PIB et 13% des emplois régionaux sont issus d’un secteur de l’Economie Sociale et Solidaire que nous avons très largement contribué à développer et animer, par l’intermédiaire notamment de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire et de la coopérative Energies Alternatives.
Ce projet répond à une demande spécifique de la région Tanger Tétouan qui souhaitait renforcer sa maitrise d’ouvrage en matière d’animation du secteur associatif et coopératif, et faciliter la création d’emplois, notamment pour les jeunes. En effet, la région Tanger Tétouan compte plus de 800 associations et 650 coopératives, un tissu social riche et dense et qui aura donc désormais sa maison régionale de référence. Il s’agit d’un secteur essentiel à la cohésion sociale et un secteur qui réussit parfois là où l’économie classique échoue.
T : Justement… La crise économique vous a-t-elle contraint à diminuer votre engagement au Maroc ?
PA : En tant que 1er Vice-Président en charge des relations internationales, je suis bien placé pour vous dire que la crise a effectivement obligé la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur à diminuer ses budgets globaux d’investissement et de fonctionnement. Mais la contribution annuelle de notre coopération au Maroc n’a, elle, pas diminué. Nous avons ici préféré repenser notre dispositif. Nous avons positionné un expert international pour représenter la Région auprès de notre partenaire et avons choisi conjointement de recentrer notre coopération autour de quelques projets plus importants, plus structurants cofinancés à 50% par la Région Tanger Tétouan, le tout toujours en lien avec les sociétés civiles des deux rives. Les premiers résultats de cette stratégie, qui témoigne d’un partenariat équitable, sont très encourageants et il nous semble que l’impact et l’institutionnalisation de nos actions communes n’en seront que meilleures. Finalement, la nécessaire gestion de nouvelles contraintes peut engendrer des cercles vertueux.
Il est tentant en période de crise de se replier sur ses propres problèmes. Avec Michel Vauzelle, notre président, nous avons fait un autre choix car nous sommes persuadés que notre propre développement réside dans notre ouverture à la Méditerranée.
T : Quels sont les liens qui unissent la Région PACA que vous représentez et la Région de Tanger Tétouan ?
PA : La région Provence Alpes Côte d’Azur mène une coopération active avec la région Tanger Tétouan depuis maintenant plus de 12 ans. Cette coopération s’est déjà traduite par un engagement financier de près de 4 millions d’euros répartis sur une centaine de projets de développement conduits généralement par les sociétés civiles des deux rives. On peut également citer les 55 volontaires régionaux qui ont été envoyés au Maroc ou les 130 bourses d’études qui ont été accordées à des jeunes Marocains pour étudier en France.
D’autres projets phares sont nés de notre coopération, comme la création du Parc Naturel de Bouhachem, que j’évoquais tout à l’heure, en lien avec le Parc Naturel Régional du Luberon ; la Fromagerie de Chefchaouen, ou encore le projet Biomasse conduit par le Groupe pour les Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités (GERES). Tous ces projets ont permis de développer des innovations sociales et techniques, d’échanger des pratiques et se sont pérennisés, ce qui est toujours le plus difficile. Cette coopération c’est avant tout de forts liens tissés entre les citoyens de nos deux régions.
Des liens de reconnaissance et d’amitié dont nous sommes fiers, et que nous souhaitons réaffirmer dans la nouvelle convention de coopération qui vient d’être adoptée par nos deux régions pour la période 2012-2014, alors que le Maroc organise et renforce sa décentralisation.
T : De quelle façon la Région PACA entend accompagner la Région Tanger-Tétouan dans le processus annoncé de Régionalisation avancée ?
PA : Nos partenaires de la région Tanger Tétouan savent qu’ils pourront compter sur nous pour l’appui technique et institutionnel nécessaire. Nous suivons attentivement et avec intérêt ce processus de régionalisation avancée qui devrait renforcer l’autonomie des régions marocaines et finalement donner plus d’importance encore à nos actions communes. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à préparer cette régionalisation puisque nous contribuons actuellement à la création d’une division de l’aménagement du territoire au sein même de l’institution régionale Tanger Tétouan. L’objectif est de former les membres de la division aux notions clefs et à la gestion de son Système d’information Géographique, dans le but, notamment, d’accompagner les élus régionaux à bien encadrer la réalisation prochaine du Schéma Régional d’Aménagement du Territoire.
Pour conclure, je réitère notre volonté de voir se poursuivre notre coopération avec la région Tanger Tétouan qui nous apporte et nous apprend beaucoup. Car en ces temps parfois troublés, il n’est jamais inutile de rappeler que ce sont justement les échanges qui ont fait, de tous temps, la richesse du bassin méditerranéen… et de dire enfin que toutes les actions, même les plus modestes, pouvant faciliter la compréhension entre les cultures, enrichissent notre histoire commune et participent à la paix entre les peuples.
Je remercie TAÂOUN de m’avoir permis de m’exprimer et vous félicite pour l’excellent travail d’information que vous réalisez au Maroc.