Depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC, les entreprises chinoises sont en pleine croissance. Les grandes entreprises sont désormais mises sur le marché financier, essentiellement celles qui étaient détenues jusqu’ici par les pouvoirs publics. Celles-ci sont de nouveaux lieux de pouvoir, et ce, avec les encouragements des pouvoirs publics, qu’ils soient nationaux ou locaux. Ainsi, sous l’impulsion des responsables du PCC, s’opère une « mutation » étrange qui est un mélange de communisme chinois et de capitalisme échevelé. Ce constat, je l’avais clairement dressé l’an passé lors de mon déplacement dans trois des quatre « majors » (Canton, Schenzen et Sanghaï). Ce système économique hybride, est redoutablement efficace, si l’on ne compte pas les dégâts sociaux, bien évidemment.
Cette mise sur le marché, et notamment les marchés internationaux, traduit une confiance croissante dans la capacité des entreprises chinoises à affronter la concurrence internationale. Bien sûr, les Chinois jouent sur leurs capacités de fabrication à bas coût bénéficiant d’une main-d’œuvre bon marché et de la sous évaluation du yuan. Mais il y a en Chine énormément de mouvements sociaux et qui peuvent être très violents; cela reste peu connu en Occident. Il y a eu en 2009, 80000 mouvements sociaux dans le pays. Il faut bien comprendre le mécanisme : produire au moindre coût permet d’emporter le marché visé, quitte à perdre de l’argent. Il y a un pari implicite sur la possibilité de se reconstituer, à posteriori, des marges bénéficiaires. Mais les conditions économiques évoluent avec des salaires qui augmentent de près de 15% par an. Ceci implique que la Chine sera concurrencée par des pays où la main-d’œuvre sera (encore) meilleur marché.
Pourquoi les Chinois lâchent-ils autant sur les salaires ?
D’abord, parce qu’ils sont en train de construire une classe moyenne qui va produire le plus puissant marché intérieur au monde : ce groupe représente aujourd’hui environ 300 millions de personnes. Et ce marché intérieur viendra en soutien aux exportations en cas de fléchissement de celles-ci.
Mais il y a aussi un autre choix stratégique en cours: le pari de l’éducation et de la formation. La Chine est désormais le pays qui forme le plus d’ingénieurs et s’arroge même le droit de classer les institutions universitaires. Ces ingénieurs, moins chers mais tout aussi ambitieux, sont d’un niveau comparable à celui des étudiants occidentaux. Cet investissement n’a qu’un objectif : il est au service d’une véritable stratégie en matière de propriété intellectuelle. Désormais, la Chine veut protéger son industrie, qui génère essentiellement des brevets d’application, c’est-à-dire ceux qui permettent de maximiser les dépenses de recherche et donc de créer des revenus importants. Si nous en sommes aujourd’hui essentiellement à des brevets d’application, cela ne durera pas, car immanquablement de cette masse d’ingénieurs va naître une élite de chercheurs.
Si nous ne trouvons pas rapidement les parades, de nombreux secteurs où la France est encore compétitive – aéronautique, mécanique, informatique – vont être attaqués, et notre désindustrialisation ne pourra donc nécessairement que s’accentuer..