Cette étude sur l’évolution de la pauvreté en France souligne en particulier l’extrême précarité qui touche les jeunes de 18-25 ans, catégorie la plus pauvre de la société.
L’enquête propose également un focus sur les caractéristiques régionales
En 2010, le Secours Catholique a dû traiter 628 800 situations de pauvreté, c’est-à-dire de personnes ou de familles en grande difficulté. Compte tenu de la composition des familles rencontrées, ces situations concernent environ 1 492 000 personnes, dont 790 000 adultes et 702 000 enfants. Bien que le nombre de situations reste quasi stables, contrairement aux prévisions, la somme des personnes concernées par ces situations augmente, elle, de 2,3%. Cette évolution vient aussi du fait que le Secours Catholique rencontre de plus en plus de familles.
La proportion de situations déjà connues passe de 33,5% en 2009 à 35%. Cette légère augmentation est un signe de la persistance des difficultés rencontrées par une partie des ménages. Ainsi, 29,2 % des ménages rencontrés en 2010 sont de nationalité étrangère. Ceci marque une progression de 10 points depuis 1999. La part des familles monoparentale (femmes) avec enfants augmente (50,4% en 2009 contre 52,7% en 2010) et les enfants sont plus nombreux (2,17 par famille)
Les personnes rencontrées sont particulièrement exposées à la solitude puisque 71% vivent sans conjoint, 61% n’ont pas de proches présents auprès d’eux et 81% n’ont aucune activité collective. L’isolement et la pauvreté s’aggravent mutuellement. Sans conjoint ou famille, il n’y a pas d’appui affectif. Le partage des tâches, ainsi que la mutualisation des ressources et des dépenses n’existent pas.
Parmi les populations faisant appel au Secours Catholique, il existe une part significative de personnes travaillant en CDI à plein temps. Cette présence traduit l’incapacité du CDI à plein temps à garantir un niveau de vie décent. Quant à la forte présence des emplois autres que le CDI, elle montre bien la fragilité de ces emplois, qui sont ceux où l’on trouve le plus de « travailleurs pauvres » et parmi eux, plus de femmes.
Les bénéficiaires du RSA dans l’ensemble des situations rencontrées sont en nette augmentation. La possibilité de cumul du RSA avec une activité salariée (RSA-Activité cumulable avec le RSA-Socle) en est la principale raison. Les bénéficiaires du RSA-Socle seul (sans activité professionnelle ou en recherche d’emploi non indemnisée) fréquentent beaucoup plus les accueils du Secours Catholique que ceux du RSA-Activité. Ces derniers perçoivent en effet un revenu médian supérieur de 20%. Les ménages qui cumulent le RSA avec un revenu d’activité parviennent mieux à s’en sortir que ceux qui n’ont pas de revenu d’activité. La différence est importante (Revenu moyen des ménages rencontrés en 2010 : 1034 Euros pour les premiers contre 839 Euros pour les derniers) mais le montant reste faible et ne permet pas aux ménages de s’en sortir par eux-mêmes, puisqu’ils s’adressent au Secours Catholique. Et malgré leur désir de travailler, nombreux sont ceux qui ne trouvent pas d’emploi et doivent se contenter du RSA socle.
Avec l’écoute qui brise l’isolement, la première demande concrète concerne l’alimentation (53,3% des demandes). Après avoir payé leurs factures, beaucoup n’ont même plus de quoi se nourrir.
Le Secours Catholique constate que les jeunes sont proportionnellement plus représentés dans les centres d’accueil qu’ils ne le sont dans l’ensemble de la population. Il s’agit de la tranche d’âge la plus fragile puisqu’elle se situe dans cette difficile transition entre la dépendance et l’autonomie : elle cumule donc tous les risques. Les jeunes sont bien plus souvent des « premiers contacts », venant au Secours Catholique de leur propre initiative. Ils sont rarement adressés (et donc suivis) par les services sociaux. La courte durée de leur situation professionnelle, de l’occupation de leur logement, ou de leur séjour en France augmente leur précarité. Les jeunes souffrent d’un manque de ressources quelles qu’elles soient. L’emploi, et surtout l’emploi durable (malgré un niveau de formation plus élevé que les plus âgés) est difficilement accessible. Les transferts sociaux sont quasi inexistants et très peu ont accès au logement social. Même l’accès au parc privé reste difficile (malgré les garanties Loca-Pass), du fait des exigences de garanties des bailleurs privés. Dans cette phase de difficile transition, l’Etat et les employeurs sont relativement absents. Seule la famille, autant qu’elle le peut, joue son rôle de providence, même quand cela la met elle-même en difficulté.
Le marginal en rupture sociale existe toujours (17% de jeunes en extrême précarité) mais il côtoie désormais d’autres profils :
– Les jeunes en recherche d’emploi, étudiants ou en formation (21%), pour la plupart des hommes, célibataires, en rupture familiale, ayant de grosses difficultés à accéder à un logement stable, et pouvant donc facilement basculer dans la catégorie des marginaux.
– Les jeunes travailleurs pauvres, majoritairement des femmes au chômage indemnisé ou en emploi précaire (14%). Leurs ressources très irrégulières les fragilisent et ne leur permettent pas d’avoir une vie décente malgré leurs revenus.
– Les jeunes mères célibataires bénéficiaires du RSA (22%). Ces femmes ne bénéficient que de transferts sociaux. Elles sont souvent locataires dans le parc social.
– Les jeunes familles étrangères qui vivent en habitat très précaire (9%),
– Les ménages français qui basculent dans la pauvreté après un accident de la vie (17%).
Le taux de pauvreté 2008 en région PACA (15,4%) était également supérieur à celui de la Francemétropolitaine. En 2010, le Secours Catholique a du traiter 33 430 situations de pauvreté dans notre région. Les ¾ de ces situations étaient de nouveaux contacts (maximum des régions) et la proportion de situations vivant en milieu rural augmente (5,4% en 2009 contre 10,1% en 2010). La part des étrangers dans les accueils est assez importante et concerne principalement les ressortissants des pays du Maghreb, bien que cette part (17,6%) soit en légère diminution par rapport à l’année précédente (18,6%). 48,7 % de ces étrangers en situation de pauvreté disposent d’ailleurs d’un titre de séjour en règle. Les hommes seuls sont particulièrement nombreux dans les accueils (35,9%), bien au delà de la moyenne métropolitaine (24,9%).
Les couples avec et sans enfants représentent les proportions les plus faibles de toutes les régions, comme si, en PACA, le fait d’être un couple constituait plus qu’ailleurs une protection contre la pauvreté. Les appuis familiaux semblent par contre plus rares que dans d’autres régions. Le parc social est peu dense en PACA et ceux qui n’ont pas la chance d’y accéder sont très pénalisés dans le parc privé. La proportion des bénéficiaires du RSA a augmenté. L’emploi étant rare, il s’agit le plus souvent du RSA-Socle. Le revenu moyen mensuel des ménages rencontrés dans la région (842 Euros) se situe nettement au-dessous de la moyenne métropolitaine (915 Euros).
59,1 % des ménages accueillis ont des impayés, le montant médian de ces impayés (824 Euros) augmente et atteint presque le niveau du revenu moyen mensuel. La majorité des impayés porte sur les loyers.
En conclusion, le Secours Catholique constate à quel point notre pays ne mobilise pas tout le potentiel de sa jeunesse.
Etre jeune, c’est avant toute chose être en période de transition et de construction personnelle. Ce passage sera fructueux pour certains jeunes, difficile pour d’autres, voire quasi impossible pour quelques-uns. Pendant longtemps, cette période a été globalement prise en charge par les familles, complétées par de nombreux lieux d’ « éducation populaire », laissant la puissance publique en acteur discret. Aujourd’hui, avec la faible évolution du pouvoir d’achat depuis une trentaine d’années, le manque d’emploi, les crises économiques successives et l’évolution des familles, la réalité a changé.