Délibération 1.1 – Débat d’orientations budgétaires – Exercice 2015
Monsieur Le Maire, Mes chers collègues,
Un tiers du rapport sur le DOB est consacré au contexte politique national. On peut toujours interpréter les chiffres mais il est utile au débat d’en préciser certains. Vous évoquez la stratégie du gouvernement pour limiter la croissance moyenne des dépenses publiques à 0.2% en volume. Et vous dites, à juste titre, que le ratio d’endettement au sens de Maastricht est très élevé : 97.2. Il a progressé en deux ans de 2 points.
Ce que vous omettez de préciser, par contre, c’est que ce ratio d’endettement, en 2007, à l’arrivée de Nicolas Sarkozy, ce même ratio était de 56 points et que sous sa présidence, il est passé de 56 à 90 % en 2012 (+ 34%) en 5 ans. Depuis 2012, les gouvernements de François Hollande ont mis fin à cette croissance exponentielle de l’endettement mais je reconnais que ce n’est pas encore assez !
Cette politique menée demande des sacrifices à tous les français, à tous les services de l’Etat, et également aux collectivités locales et territoriales. Je souhaite simplement pour l’intérêt de tous qu’elle produise des résultats. Le 18 novembre 2014, Le Figaro, qui n’est pas une presse d’opinion de gauche, rappelait que la compétitivité de la France s’était améliorée par rapport à 2012 et à 2010. En 1 an, nous sommes passés du 13ème au 10ème rang. Une étude de l’AFII souligne aussi que les réformes encore et plus particulièrement le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi redonne de la compétitivité et que notamment dans le secteur du numérique, la France redeviendrait plus compétitive que les États-Unis.
Alors oui, c’est difficile. Et cet effort se traduit par une baisse des dotations de l’Etat aux collectivités. Mais je le répète, ces mesures difficiles sont nécessitées par l’obligation de réduire l’endettement dont la croissance a été historique sous Nicolas Sarkozy. Ceci étant dit, il est par contre faux de dire que l’Investissement des collectivités locales n’est pas soutenu par le gouvernement.
Mais, venons-en plutôt à nos affaires, vos orientations budgétaires
L’AUGMENTATION DE LA FISCALITE LOCALE
. Vous critiquez aussi les mécanismes de péréquation entre communes alors que la solidarité entre les territoires est devenue une nécessité républicaine pour lutter contre les inégalités territoriales. Vous critiquez ce mécanisme de péréquation au motif que l’État prélèverait des richesses produites par les niçoises et les niçois.
Mais l’essentiel des richesses communales vient de la taxe d’habitation qui, à hauteur de 327 € par habitant, est une des plus élevée de France compte-tenu des valeurs locatives cadastrales qui sont très élevées à Nice, compte tenu du nombre de résidences secondaires.
La question n’est pas de s’indigner entre un mécanisme de solidarité entre les communes, mais plutôt de s’interroger sur la solidarité entre les niçois. C’est-à-dire que la solidarité que vous contestez au niveau des collectivités, vous ne l’appliquez pas non plus entre les niçois.
A cet égard, au moins, vous avez une cohérence. Vous refusez depuis des années de mettre en place l’abattement pour revenus modestes.
De la même manière, c’est ce qui vous conduit aussi à ne pas vouloir appliquer la surtaxe de 20 % sur les résidences secondaires proposée par le Gouvernement. Pourtant, cette surtaxe n’aurait que des effets positifs :
- D’abord elle augmenterait significativement les richesses de la ville puisque 13 % des habitations, près de 30 000, sont des résidences secondaires
- Ensuite, elle aurait permis vraiment de baisser la taxe d’habitation (de ceux qui vivent là à l’année en résidence principale et qui paient dans leurs impôts plus d’assainissement, plus d’enrobage, plus d’infrastructures pour des résidents épisodiques).
- Enfin, elle aurait eu un effet collatéral, celui de ralentir un peu la spéculation immobilière qui frappe les ménages et ralentit notre développement économique.
Mais en guise de baisse, les niçois vont subir une hausse importante de la fiscalité locale avec une baisse de l’abattement général de la taxe d’habitation pour la résidence principale de 5 % votée lors du dernier conseil municipal. En contrepartie, vous annoncez une baisse du taux de la taxe d’habitation de 21,33 % à 21,31 %, soit une baisse de 0,02 %. Vous vous moquez de qui ?
Les niçois ne vont pas avoir une baisse de 0,02 % (au millième), ils vont avoir une hausse des bases de 0,9 % et une hausse de 5 % due à la baisse de l’abattement général, c’est-à-dire qu’ils vont subir une hausse d’impôts locaux de 5,90 %.
Voilà la vérité. La preuve, c’est que vous estimez que le produit fiscal sera de 281,5 millions d’euros contre 268 millions d’euros en 2014 ! Cela représente une ponction supplémentaire de 13,5 millions d’euros. Mais il y a aussi les taxes. Ah c’est pratique les taxes et c’est moins visible que la taxe d’habitation. Le produit de la taxe sur l’électricité double quasiment en 2015. Il était de 4 millions en 2014, il sera de 7,65 millions d’euros en 2015 Il y a également les produits issus de la tarification des services qui passent de 30,5 millions d’euros en 2014 à 36 millions d’euros en 2015, soit une hausse de 20 % de recettes prévues en plus.
Une hausse d’impôt, une hausse des taxes, pourquoi faire ? Venons-en au budget de fonctionnement.
UN BUDGET DE FONCTIONNEMENT ANORMALEMENT ELEVE ET SOCIALEMENT INJUSTE
Le budget de fonctionnement de la ville de Nice est l’un des plus élevés de France. Et cela ne va pas s’améliorer. Il y a une forte augmentation des dépenses prévisionnelles en 2015 : + 5,83 % de 2014 à 2015. La nécessité d’augmenter les impôts locaux ne vient donc pas de la baisse des dotations, mais du taux anormalement élevé de la progression des dépenses de fonctionnement. Je répète : + 5,83 % de 2014 à 2015. Sur 5 ans, 2010-2015, les dépenses de fonctionnement auront augmenté de 16,70 % soit 3,36 % de moyenne. Ces chiffres sont anormalement élevés comme le montre la comparaison avec d’autres villes.
A Nice, les dépenses de fonctionnement augmentent 2 fois plus vite que dans les villes comparables.
Il suffit pour cela de regarder les chiffres de Bercy, basés non pas sur des prévisions, mais sur la réalité des comptes de gestion des collectivités locales :
- Nice 2010 : dépenses de fonctionnement = 1 437 €/habitant
- Nice 2013 : dépenses de fonctionnement = 1 607 €/habitant
- soit une hausse sur 3 ans de 5,83 %.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Ville de Nice ne contribue pas à la maîtrise des dépenses publiques. On peut d’autant plus s’étonner de ce volume de dépenses de fonctionnement, compte tenu des transferts de compétences qui ont été opérés très tôt, avant les autres villes, vers la Métropole. Normalement, nous aurions dû avoir une baisse des dépenses de fonctionnement.
Enfin que dire des choix ! Parce que c’est l’essentiel, les choix, c’est la politique.
Depuis 2008, le budget de la fonction 5 : « Initiatives Sociales et Santé » a baissé de 21 %, passant de 29 à 23 millions d’euros.
Une baisse de 21 % sur la solidarité alors que les besoins ne cessent de croitre comme l’atteste :
- l’activité de la banque alimentaire ou des restaurants du cœur dont c’est le début de campagne aujourd’hui…
- la précarité croissante des séniors qui a fait l’objet d’une double page dans notre quotidien régional. Aujourd’hui les séniors ont besoin d’autres chose que des concours de danse que des logements notamment.
Dans le même temps, le budget de la fonction 2 : « Salubrités et Sécurité » a augmenté de 20 % en passant de 42 millions d’euros à 50 millions d’euros.
En 2008, à la sortie de 2 mandats d’un maire ex-FN, on dépensait 13 millions de plus pour la sécurité que pour la solidarité. Aujourd’hui, on dépense 27 millions d’euros de plus.
Enfin, autre poste révélateur de vos choix : l’éducation 80 millions d’euros. C’est un chiffre qui a l’air important mais, pour une ville comme Nice, cela représente seulement 50 millions d’euros pour les écoles maternelles et primaires, soit à peine 1 748 € de budget de fonctionnement pour chacun des 29 000 enfants scolarisés à Nice.
- 1 748 € par enfant à Nice
- 2 000 € par enfant à Bordeaux et Nantes
- 2 300 € par enfant à Lille
- 2 600 € par enfant à Toulouse.
Voilà ce qu’il faut dire aux niçois. Ils paient plus d’impôts locaux qu’ailleurs pour un budget de fonctionnement plus important mais des dépenses d’éducation plus faibles que dans les autres villes.
On comprend mieux votre opposition à la réforme des rythmes scolaires. L’éducation, ce n’est pas votre priorité. L’éducation, c’est le parent pauvre de votre politique. J’y reviendrai en parlant de l’investissement. Ce que je vais d’ailleurs faire de suite.
L’INVESTISSEMENT
En page 17 du dernier rapport pour le D.O.B. 2014, vous nous disiez engager une politique de désendettement tout en préservant votre niveau d’investissement, ce qui était aberrant mais c’était un D.O.B. préélectoral. Or, l’investissement baisse de manière significative, j’allais presque dire s’effondre. Je ne le condamne pas, c’est logique. Cela fait des années que je vous prévenais, nous y sommes. Alors pour masquer cette baisse substantielle, vous avez inventé un nouveau concept : le D.O.B. pluri annuel. J’en profite pour adresser mes sincères félicitations républicaines à Philippe Pradal.
Vous annoncez 300 millions d’euros d’investissement mais sur six ans, c’est-à-dire en fait, 50 millions d’euros par an, alors que sous la précédente mandature le niveau d’investissement s’élevait en moyenne entre 80 et 100 millions d’euros par an.
Alors une fois ramené à l’année, voilà ce que ça donne, par exemple pour les écoles maternelles et primaires de notre ville.
1 million d’euros par an pour l’entretien des écoles, 2.5 millions d’euros pour la construction de nouvelles écoles.Une misère.
J’ai retrouvé une de vos déclarations en début de votre mandat en 2008. Vous estimiez le retard d’investissement dans les écoles, vous, à 150 millions d’euros. Au total 3.5 millions d’euros par an.
Allez, comme je suis généreux, et pour éviter que Philippe Pradal ne le fasse dans sa réponse, je vais ajouter l’investissement de 25 millions d’euros de la cuisine centrale, soit 4.1 millions d’euros par an. Cela fait 7.6 millions d’euros par an en moyenne.
Cela fait 262 euros par enfants scolarisés. C’est très faible. A titre de comparaison, le budget d’investissement en éducation est :
- 2 fois supérieur à Bordeaux, 523 € par an et par enfant scolarisé
- presque 4 fois supérieur à Toulouse, 934 € par an et par enfant scolarisé.
Avec un budget de fonctionnement et d’un investissement aussi faible dans l’éducation, on comprend mieux votre capacité à mettre en place la réforme des rythmes scolaires.
On comprend mieux pourquoi plus de 60 écoles ont subi des inondations et des dégâts lors des dernières pluies. Les pluies ont été fortes, cela ne fait aucun doute. Mais ce n’est pas uniquement leur intensité qui a causé les dégâts. Cela a révélé aussi le mauvais entretien et la vétusté des écoles. Plusieurs directeurs et directrices m’ont signalé des malfaçons aux ouvertures, des fuites par les toits et un matériel dégradé.
L’éducation des enfants est sacrifiée dans votre politique alors que l’on s’apprête à réaliser ici en mairie principale des investissements pour transférer l’état-civil au bâtiment CORVESY, restaurer les bureaux et au passage expulser l’opposition du bâtiment principal de la mairie. Comme symbole, il y a mieux, même si nous ne sommes pas lésés en surface.
L’ENDETTEMENT
Vous êtes en difficulté, parce que la situation financière n’est pas brillante, c’est le moins qu’on puisse dire.
Vous continuez à distinguer endettement auprès des organismes financiers (382 millions d’euros) et encours du financement auprès de l’Allianz-Riviera (123 millions d’euros), alors que le service des collectivités locales de comptabilité publique basé sur le compte de gestion relève un seul montant d’emprunt : 523 millions d’euros.
523 millions d’euros d’endettement, cela fait 1 518 € par habitant alors que la moyenne de l’endettement par habitant dans les villes comparables est de 1 100 €, 35 % de plus d’endettement !
Sur les cinq ans, les prévisions d’autofinancement s’effondrent. L’autofinancement était habituellement autour de 20 millions d’euros dans les DOB précédents. Cette année il est proche du néant. Et ce n’est pas un accident exceptionnel. Les chiffres des cinq dernières années montrent une baisse constante et inéluctable de l’autofinancement.
Le graphique montre une tendance qui pourrait, à terme, mettre la section de fonctionnement en déséquilibre.
Je souhaite très clairement, Monsieur Le Maire, que vous inversiez votre logiciel et je fais une proposition très concrète, très simple, très lisible pour les niçois. Renoncez à la baisse de 5 % de l’abattement général de la taxe d’habitation et appliquez la surtaxe de 20 % sur les résidences secondaires. Épargnez les niçois !
Voilà, Monsieur Le Maire, les réflexions que nous inspirent vos orientations budgétaires.