Je veux commencer par affirmer que le principe même de la tenue de ce conseil municipal extraordinaire convoqué pour évoquer la question des mosquées et de l’islam à Nice est une triple faute :
– Une faute politique parce que vous nourrissez le populisme et que vous chassez à nouveau sur les terres du Front national. Je pensais pourtant que vous aviez retenu la leçon des élections régionales, au moment où vous aviez déclaré : « J’ai changé ». J’ai compris qu’il ne fallait pas nourrir le discours de la surenchère à droite, parce qu’en fin de compte il fait monter l’extrême droite. Ces bonnes résolutions ne semblent pas avoir survécu au delà des élections internes aux Républicains et des conclusions que vous en avez tirées.
– Une faute administrative volontaire puisque sur les 5 délibérations, une seule est juridiquement nécessaire, la 0.2, peut être la 0.3. Les 3 autres sont inutiles. Vous auriez pu mettre en œuvre les mesures proposées sans délibération. Cela démontre votre désir de les afficher politiquement. Au lieu de faire délibérer le Conseil municipal sur des délibérations qui ne servent à rien, vous feriez mieux de remplir vos obligations légales en inscrivant à l’ordre du jour la discussion sur le rapport de la chambre régionale des comptes sur la SEMIACS.
– Une faute morale enfin, parce que son caractère extraordinaire révèle une démarche sciemment stigmatisante. Vous montrez du doigt une communauté. Or votre responsabilité en tant que maire de la ville doit être au contraire de rassembler, de faciliter le vivre ensemble. Et non de dresser les gens les uns contre les autres, ou d’alimenter les peurs.
Mes collègues interviendront sur la 0.1, et la 0.3 essentiellement, les 0.4 et 5 relevant de la responsabilité de l’Etat qui a la pouvoir de fermer les salles de prières notamment en période d’état d’urgence au vu d’éléments tangibles (Ripert : délibération 0.4) autres que vos allégations infondées (Pégurier : délibération 0.5).
J’en viens donc à la 0.2
Bien entendu vous auriez souhaité que le préfet suive l’avis du commissaire enquêteur, car en effet, c’est sans surprise que celui-ci, chargé du rapport sur la DUP pour la création d’une crèche rue Pontremoli, a conclu à un avis favorable. La procédure d’instruction de la DUP ne pouvait qu’aboutir à ce résultat puisqu’il s’agissait de déterminer si ce besoin était d’intérêt général
Toutefois je rappelle que l’avis du commissaire enquêteur n’est que consultatif et que le préfet n’est pas tenu de le suivre et il ne l’a pas suivi. D’ailleurs, s’il le suivait, il reste des voies de recours et c’est une longue bataille juridique qui s’annoncerait.
Par ailleurs, le préfet a un an pour signer la DUP et il n’a pas dit qu’il ne la signerait pas puisqu’il y a deux conditions à remplir, un legs de la part du propriétaire et l’entrée au conseil d’administration des deux autres sensibilités représentant le culte musulman sur la ville. Pourquoi cet empressement. Laissons du temps au temps.
Le legs, vous savez qu’il va intervenir puisqu’il n’y a plus aucun obstacle juridique. Tant que l’association était culturelle donc régie par la loi de 1901, il ne pouvait y avoir ce legs tout simplement parce que vous auriez pu le préempter. Désormais c’est une association cultuelle loi de 1905, ce qui veut dire que vous ne pouvez plus préempter le legs.
Quant à la seconde condition, je ne sais pas qui fait parler qui. Je fais référence au courrier que vous avez adressé au Préfet des AM où vous dites avoir rencontré messieurs Bekri et Aïssaoui et avoir constaté qu’à ce jour ces conditions ne sont pas remplies. Mais je sais par contre qui écrit quoi et j’ai là en main un courrier signé par quatre responsables religieux dont messieurs Aïssaoui et Bekri, mais également messieurs Chatti et Magmadov daté du 12 janvier 2016 où ils disent notamment « nous tenons solennellement à vous dire que nous ne nous sommes jamais prononcés contre votre projet », dénonçant unanimement le sous dimensionnement des lieux de prières à Nice. Je n’ai bien entendu pas le temps de la lire.
Ce qui choque dans cette affaire, c’est que la mairie a donné une autorisation de travaux, que plusieurs centaines de milliers d’euros de travaux ont été fait et que cette mosquée est prête à ouvrir.
Ce qui choque dans cette affaire, c’est que vous ne pouvez pas nier l’antériorité du projet de la mosquée par rapport au projet de la crèche, ce que vous rappelez au 31ème considérant en citant le Préfet. Empêcher la construction d’un lieu de culte musulman, les maires successifs ont démontré leur savoir-faire, et dans les faits, il n’y a aucune différence entre un Peyrat qui préempte un local pour en faire un local à poubelle et un Estrosi qui en préempte un autre pour en faire autre chose.
Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’empêcher la construction, il s’agit d’empêcher une ouverture et donc de détruire. La symbolique n’est pas la même.
Ce qui choque dans cette affaire, c’est qu’elle est strictement politique. D’ailleurs, vous l’avez clairement exprimé le 20 octobre 2012 : « J’utiliserai tous les moyens juridiques en ma possession et chacun sait que chaque fois que j’ai voulu m’opposer à un lieu de culte, j’ai trouvé les moyens juridiques ». Déclaration publique ô combien précieuse si demain s’ouvrait une procédure contentieuse. Car la jurisprudence du Conseil d’Etat, enfin pourrais-je dire, est claire. Le rôle d’un maire n’est ni d’entraver la liberté de culte, ni de mettre un culte sous tutelle. C’est un abus de pouvoir.
C’est en persistant dans cette voie de l’humiliation et en refusant une reconnaissance légitime à nos concitoyens de confession musulmane que l’on alimente l’islam des caves et des garages, la clandestinité avec au final la radicalisation des jeunes, nombreux à Nice, à avoir rejoint la Syrie.
C’est pour toutes ces raisons que nous voterons contre cette délibération.