La mort de Michel Rocard !

 
rocard

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de Michel ROCARD. Désormais, nous sommes nombreux à nous sentir politiquement orphelin. Beaucoup le disent. Et je sais ce qu’ils ressentent. Notre génération était trop jeune pour avoir connu le PSU d’où était issu Michel ROCARD.  Nous sommes toute une clique (VALLS, CASTANER, TERRASSE aussi, et tant d’autres, à avoir adhéré au PS entre 1982 et 1988 pour lui, pour qu’il soit Président de la République.

Vous trouverez ici la vidéo de l’appel de Conflans, le 19 octobre 1980. J’ai choisi cet extrait parce que c’est en l’écoutant que j’ai décidé de faire de la politique. Quelques jours après, j’adhérais au syndicat étudiant UNEF-ID et un peu plus tard à Paris je rencontrais Manuel VALLS. C’est lui qui me confia la tâche d’organiser les jeunes rocardiens dans notre département

 

 

J’avais choisi ROCARD parce qu’il incarnait la modernité, le réformisme avant… l’heure alors que pour moi MITTERAND incarnait l’archaïsme, la façon de faire de la politique que j’ai toujours détesté. Michel ROCARD était l’homme de la 2ème gauche avec Edmond MAIRE et la CFDT. Cette gauche qui ne fait pas d’idéologie mais qui transforme et réforme.

Je l’avais aussi choisi parce que c’était l’homme du parler vrai ! Et c’est ce qui me plaisait. Nous étions tous de jeunes économistes et nous savions pertinemment que le programme économique de François MITTERAND, fait pour permettre un accord avec le PCF, était totalement irréaliste. Nous savions tous que les nationalisations à 100% étaient une erreur magistrale alors que Michel ROCARD préconisait des nationalisations à 51%. Nous savions tous que l’économie ne résisterait pas aux promesses du candidat MITTERAND, que le franc courait à la dévaluation. Nous avions tous prévu que cela se terminerait mal, ce qui fut le cas avec le tournant de la rigueur, qui à mon sens est plus fondamental que ce que l’on reproche à HOLLANDE aujourd’hui. Cette confrontation du socialisme avec le réel, c’était nous qui la maîtrisions.

C’est ce que j’ai retenu pour toute mon action politique. Je me suis toujours évertué à m’appliquer à moi-même l’exigence d’éthique qu’il nous apportait. Je n’ai jamais tenu au cours de mes campagnes électorales, des promesses irréalistes. Parce que j’ai toujours respecté les gens. C’est tellement facile de les abuser vu le décalage de quantité d’informations qu’il peut y avoir entre un citoyen normal et un responsable politique. Et il m’est arrivé quelques fois, au Conseil Régional de tirer la sonnette d’alarme par rapport à des mesures trop coûteuses. Et parfois d’être entendu. La vraie générosité, ce n’est pas celle de l’instant mais celle qui s’inscrit dans la durée, ce n’est pas celle qui se finance par l’emprunt parce qu’elle pénalise les générations futures. C’est cela aussi l’éthique en politique.

Cette manière de se confronter au réel, alors que d’autres évitent de l’intégrer dans leur raisonnement, a structuré cette époque et mon engagement. Les gens qui adhéraient à ce moment là au PS pour suivre ROCARD, à l’instar de ceux qui sont venus voter pour Ségolène ROYAL en 2006, n’étaient pas forcément socialistes.

D’ailleurs la violence de certains débats en a fait fuir plus d’un.

Tant d’années après, ce débat semble aujourd’hui encore d’actualité. Le débat qu’il y a aujourd’hui entre les frondeurs et la majorité du parti est le même qu’à l’époque mais il est inversé. Aujourd’hui, le PS est devenu un parti social démocrate et n’est plus un parti socialiste au sens originel du terme. Et les frondeurs incarnent ce passé et souhaitent cette revanche

Michel ROCARD fut tout de même le  Premier Ministre de François MITTERAND avec quelques belles réussites : le RMI voté à l’unanimité, la CSG qui finance une partie de notre protection sociale, passée par le 49-3, la loi sur la transparence financière des partis politiques, mais ce qui compte encore plus à mes yeux, les accords Matignon sur la Nouvelle Calédonie. 30 ans après la guerre d’Algérie, les circonstances de l’histoire lui permirent de démontrer son savoir faire, lui qui avait toujours été hostile à la guerre d’Algérie.

Ce Parti Socialiste social démocrate  et réformiste dont Rocard rêvait, c’est finalement HOLLANDE qui l’a fait muter et transformer.

De même que c’est Hollande, qui, avec le pacte de compétitivité que Michel ROCARD a toujours approuvé, a mis en œuvre ce fameux réformisme de gauche. Michel Rocard ne reprochait rien à François HOLLANDE de la pertinence de ses choix économiques et sociaux qu’il trouvait justes et courageux. Il lui reprochait de ne pas en avoir suffisamment averti les français avant 2012. Mais, aurait-il été élu face à SARKOZY sur la seule promesse de sang et de larmes. Michel ROCARD l’aurait certainement fait et il aurait probablement dit, après sa défaite, que c’était son honneur.

C’est une perte majeure pour la Gauche et même s’il n’a pas été Président de la République, il laissera une trace dans l’histoire à l’instar de Pierre MENDES FRANCE dont il fut proche. Il était en avance sur son temps.

J’étais rocardien et je le suis toujours resté. Parce qu’être rocardien cela signifie quelque chose. C’est lui qui m’a donné la passion de la belle politique, celle que j’essaie de pratiquer aujourd’hui au quotidien dans les responsabilités qui sont les miennes.