La 22ème édition du rapport annuel sur l’état du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre dessine le portrait d’une France fracturée par la crise du logement. 4 millions de personnes sont sans abri, mal logées ou sans logement personnel.
Outre ces situations les plus graves, 12,1 millions de personnes sont touchées à des degrés divers par la crise du logement. Effort financier excessif, précarité énergétique, risque d’expulsion locative, copropriétés en difficulté, surpeuplement… au total, sans les doubles comptes, près de 15 millions de personnes sont touchées, à un titre ou à un autre, par la crise du logement.
À bien des égards, pour les pauvres, les classes populaires et moyennes, la situation tend à s’aggraver, en particulier depuis la hausse des prix de l’immobilier des années 2000 et le déclenchement de la crise économique en 2008.
Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012. Celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers de 19 % entre 2002 et 2013. Les personnes en surpeuplement accentué sont de plus en plus nombreuses, alors que la tendance depuis des décennies était plutôt à la baisse : + 17 % entre 2006 et 2013 pour le surpeuplement accentué et + 6 % pour le surpeuplement modéré.
Face à ces réalités inquiétantes, quelle a été l’action gouvernementale au cours du quinquennat écoulé ? Alors que François Hollande s’était engagé en 2012 à mettre en œuvre le Contrat social proposé par la Fondation Abbé Pierre, les politiques menées laissent un sentiment d’inachèvement.
Bien des chantiers ont été ouverts, bien des actions ont été entreprises, mais ils se sont souvent heurtés à des renoncements politiques en chemin et à une austérité budgétaire qui empêche d’apporter une réponse à la hauteur de la gravité de la situation.
Les locataires continuent de payer leur loyer, puisque le nombre d’impayés semble stable. Mais à quel prix… Les Français sont 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût. 42 % de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement.
Résultat, le nombre de personnes modestes ayant eu froid à leur domicile pour des raisons liées à la précarité s’est accru de 25 % entre 2006 et 2013. Le nombre d’expulsions locatives avec le concours de la force publique a atteint son record en 2015, avec 14 363 expulsions, un chiffre en hausse de 33 % par rapport à 2006.
Un quinquennat en demi-teinte pour les mal-logés
Si la situation ne semble pas meilleure qu’il y a cinq ans pour les mal-logés, des graines ont indéniablement été semées et des avancées obtenues, en matière de loyers, d’orientation des attributions Hlm, de gouvernance, de précarité énergétique…
Mais elles ne suffiront pas face à l’ampleur du mal-logement, faute de priorité budgétaire accordée à ce sujet, de cap politique clair et stable et d’un partage des compétences suffisamment lisible et responsabilisant sur le terrain.
Mobilisation citoyenne
En cette année électorale, ce tableau alarmant appelle une mobilisation de la classe politique mais aussi, dix ans après la mort de l’abbé Pierre, de la société tout entière.
Ce rapport met en avant les initiatives qui marchent, en France ou à l’étranger. Et il appelle à en tirer les leçons, à les généraliser, à sortir de la simple expérimentation pour changer le braquet de la politique du logement.