Elle fait partie de ce cercle fermé de personnes qui appartiennent à notre patrimoine commun et dont on sait que la mort physique ne l’empêchera jamais de vivre en chacun d’entre nous parce pendant 70 ans, elle a incarné les grandes dates de l’histoire contemporaine de la France.
Je connaissais Simone Veil. J’ai eu cet honneur, ce privilège. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises, la dernière fois au lycée du Parc Impérial où elle était venue dévoiler la plaque des enfants juifs qui étaient partis en déportation et y étaient morts. C’était Michèle Merowka, la présidente de l’AMEJDAM qui avait organisé cette cérémonie où elle était venue avec son époux Antoine.
Je me souviens de son discours, profond, bouleversant car il mélait le recul historique à des souvenirs personnels. Parlant du lycée Calmette, où son nom figure sur la plaque commémorative des enfants déportés du lycée, elle avait rappelé ce souvenir « À l’époque, ce lycée était également un jardin d’enfants. J’avais 4-5 ans et je jouais au côté d’une petite fille de mon âge. Lorsqu’elle m’a dit : « Ta mère mourra en enfer parce qu’elle est juive. J’ai essayé d’oublier. Je n’y suis jamais arrivée. »
J’ai eu le privilège ce jour là de déjeuner avec elle et je lui avais confié toute mon admiration pour ce parcours si exceptionnel.
Simone Veil, née Jacob, c’est d’abord une déportée, une rescapée de la Shoah. C’était une niçoise née à Nice le 13 juillet 1927. C’est le 13 avril 1944 qu’elle fut arrêtée à Nice avec sa mère et sa soeur et conduite dans des wagons à bestiaux, pendant plus de deux jours jusqu’à la rampe d’Auschwitz-Birkenau. C’est là, sur le quai, au milieu des chiens, qu’ un déporté lui conseilla, alors qu’elle n’avait que 16 ans et demi, de dire qu’elle en avait 18, ce qui lui vaudra d’éviter les chambres à gaz. Elle survivra aux conditions de vie épouvantable d’Auschwitz-Birkenau, puis à la « marche de la mort », ainsi qu’à des transfert à Mauthausen, puis Bergen-Belsen.
Simone Veil, c’est aussi une grande dame pour les droits des femmes et pour la France : le 26 novembre 1974. c’est ce jour là qu’elle monte à la tribune de l’Assemblée Nationale pour défendre son texte autorisant l’IVG, ce qui lui vaudra des milliers de lettres d’insultes.
Le 26 novembre 1974, alors que des militants de Laissez-les vivre égrènent silencieusement leur chapelet devant le Palais-Bourbon, voici un extrait de son texte :
« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours. (…) Je ne suis pas de ceux et de celles qui redoutent l’avenir. Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu’elles diffèrent de nous ; nous les avons nous-mêmes élevées de façon différente de celle dont nous l’avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d’enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême. »
Elle a été un des visages de la construction européenne.
Europhile convaincue car elle savait que l’Europe, c’était avant tout la paix. Elle avait mené la liste Union pour la démocratie française (UDF) aux élections européennes de 1979, selon la volonté du président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing. Après sa victoire, l’ancienne ministre remporte dans la foulée la présidence de l’Assemblée européenne, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste lors de la première élection du Parlement Européen au suffrage universel. Cette élection portait un symbole très fort, puisque c’est une ancienne déportée qui accèdait à la présidence du nouveau Parlement de Strasbourg.
Enfin dans les années 1990, Simone Veil s’était éloignée du monde politique pour se consacrer au Conseil constitutionnel.