Dominique Sopo à Nice : la complexité en face

 

Dominique Sopo, président de SOS Racisme était hier soir l’invité de la fédération du PS06.
On aime ou on aime pas. En tout cas on a passé une soirée passionnante où toutes les questions ont été mises sur la table pendant 2h30 sans que l’on voit le temps passer ce qui est bon signe.
Il a répondu à tout, en laissant la langue de bois sur le trottoir.

Voici quelques extraits de ce qu’il a pu dire:

L’ Antisémitisme en France ce n’est pas la responsabilité des musulmans, ses racines sont bien plus anciennes et il trouve un écho particulier à cause de la collaboration. Le juif a été le bouc émissaire en France depuis longtemps.

Les manifestations et les marches sont utiles parce que la logique haineuse doit être confrontée à la réaction de la société.

Quelque chose vacille dans la société française parce qu’aux yeux d’une partie du peuple, le pouvoir à perdu sa légitimité et les cadres de la contestation, notamment les syndicats sont affaiblis.

On est dans une période où il y a une convergence des antisémitismes de plusieurs origines. Contre le système, contre le pouvoir, le juif apparait responsable. C’est l’aspect totalement paranoïaque de l’antisémite. Ce fantasme que le juif contrôle tout alors que les Juifs en France représentent 1% de la population.

Mais il faut faire attention de ne pas opposer la haine à la haine. Et de ne pas tomber dans une forme de stigmatisation de la culture arabo-musulmane.

Les logiques complotistes et cette spirale de délire n’a qu’une conséquence, la
restriction de l’espace du vivre ensemble. Or il y a un risque à quitter le vivre ensemble, c’est de se réfugier derrière une culture communautaire.

C’est en même temps ignorer le fait que des gens qui naissent en France se socialisent politiquement ici.

Le vivre ensemble c’est un pari sans cesse renouvelé. Et cela repose sur le traitement des grandes questions. Par exemple on parle de la Shoah depuis peu de temps. Avant on n’en parlait pas. Il est possible de faire émerger des sujets : la question de l’esclavage, celle du colonialisme, de guerre d’Algérie par exemple.

Ces passions ne sont pas mises au travail pour qu’elles puissent être dépassées. Souvent des racistes viennent utiliser ces passions dans une logique destructrice.

Quelles solutions ?

Il faut utiliser le droit de déposer plainte. Il faut faire condamner pour rappeler que le peuple a décidé que pour vivre ensemble il fallait des règles minimales.
Ceux qui se plaignent de la dictature antiraciste ne sont que contre les arabes et les Juifs. Il y a des limites à la liberté d’expression quand cela met en danger des groupes et la vie. Mais il faut se méfier du tout juridique. Le juridique n’épuise pas le combat politique. On a peur de s’ affronter à une société violente on demande la protection de la loi.

On peut dire qu’on est pour un état binational sans être condamné pour antisionisme. Par contre, l’agression de Finkelkraut est antisémite. Elle veut dire Toi tu es un juif, tu es un corps étranger ici. L’agresseur ne dit pas va à Tel Aviv mais retourne à Tel Aviv.

Il y a là question de l’éducation. Mais l’éducation ce n’est pas que l’école. C’est aussi ce qui est montré à la télévision.

Les jeunes ne sont pas plus racistes qu’il y a 20 ans. Les phénomènes d’entre soi social religieux posent la question plus générale de repli. SOS Racisme est en train de prendre une initiative : Salam chalom salut.

Dominique Sopo a abordé d’autres sujets notamment celui de la complexité des identités. La complexité des identités des jeunes juifs, notamment ceux dont un ou plusieurs aïeul ont été victimes de la Shoah. Celles des jeunes arabes dont les grands parents ont vécu la colonisation. Un Martiniquais est toujours un descendant d’un esclave. Tout cela continue à susciter des passions très fortes. Il ne s’agit pas d’ être à la place de l’autre mais de le comprendre.
Ceux qui viennent dire qu’on ne peut pas lutter ensemble sont dangereux parce qu’ils sont porteurs de discriminations intolérables.

À propos des défenseurs de la laïcité et de l’égalité homme-Femme, le président de SOS Racisme s’interroge sur cette montée de militantisme venant de gens qui s’en fichait avant.
C’est une phénomène politique inquiétant parce qu’il fige les gens. Ce qu’ils dressent, ce n’est pas une exigence républicaine c’est un constat de ne pas pouvoir vivre ensemble.

La perception qu’on a des filles qui portent le voile. On a envie de créer des dynamiques d’émancipation. Mais l’ hystérisation de l’affaire du Burkini sur les plages créent ce qu’ils prétendent combattre.

Les jeunes ne se fréquentent plus en dehors de l’école. Cela aura des conséquences plus tard.
Il est possible de légiférer en remettant plus de carte scolaire, en développant des collèges multi-secteurs. Il faut aussi cultiver le commun. S’il n’y a pas suffisamment de commun, si on
sent que c’est contre soi, alors on ne peut que se solidariser de l’autre côté et cela peut avoir des effets cataclysmiques.

Il y a là dedans des affirmations qui ne plairont pas à tout le monde, des questions qui demeurent ouvertes, des analyses. Et tout de quoi faire vivre un débat riche et respectueux qui n’est pas près d’être clos.